ID4Africa 2019, Jour 2: InF4 et InF8
Par Dr Andrien Nestor Zouaka Ambassadeur d’ID4Africa/ Colonel de la Police, Expert, Secrétariat Général du CILDT, Ministère de l’Intérieur, République centrafricaine
Introduction
La libre circulation des personnes à travers les frontières a connu ces dernières décennies une augmentation considérable sous l’effet de la mondialisation. Cette croissance qui n’est pas resté sans conséquence, engage de facto les Etats, en particulier les structures en charge de la gestion migratoire aux frontières, à faire face des défis sans précédents. Ainsi, une adaptation stratégique s’impose afin de mieux répondre à cette préoccupation.
Il ne fait nul doute que la libre circulation des personnes à travers les frontières a un impact significatif sur le développement sous-régional, régional, continental voire mondial. La migration et le développement demeurent cependant deux termes qui vont de pair. La migration est un outil puissant pour stimuler le développement (domaines du travail, du commerce, de l'investissement et du tourisme...).
De ce point de vue, dans une démarche rationnelle à l’issue des deux sessions du focus Migration & Frontières (InF4 & InF8) qui ont lieu lors de la 5ème conférence du mouvement d’ID4Africa tenue du 18 au 20 Juin 2019 à Johannesburg (Afrique du Sud) sous le thème : « Ecosystèmes d’identité pour la prestation de service », nous verront comment faciliter cet objectif grâce à des technologies, des politiques et des pratiques commerciales novatrices, tout en s’appuyant sur des expériences les plus récentes des pays africains et qui ont réalisé des progrès impressionnants à cet égard.
Première Approche : La biométrisation des frontières
Il s’agit de la transformation numérique des frontières afin d’offrir une facilitation améliorée sans compromettre la sécurité. L’utilisation des données biométriques est un élément indispensable qui permet non seulement de capitaliser en temps, mais aussi et surtout en efficacité.
A ce sujet quatre experts ont exposé durant le focus sur ce qui suit :
I. Avantages de la biométrie pour le contrôle des frontières, thème développé par l’Expert Alexandre CASCHETTA, Responsable Vente de Solutions, Contrôle aux Frontières et Sécurité Routière, BU Gouvernement, Afrique, Gemalto. En substance, il y a six principaux facteurs qui poussent à l’utilisation de la biométrie à la frontière :
Facilitation du passage: le nombre de voyageurs aériens passe de 3,8 à 7,2 milliards de nos jours ;
Emergence du passeport électronique : Plus d’un milliard de Passeports électroniques sont en circulation, 500 millions en 2013 à 1 milliard en 2017, 57% du total des passeports en circulation sont électroniques à ce jour ;
Sécurité du pays: Détection de fraude d'identité ou de personnes recherchées ;
Optimisation des processus: Automatisation de libre-service et de processus ;
l’enregistrement preuve numérique de l'identité: Technologie de reconnaissance biométrique ;
Mobile SUPREMACY: applications mobiles pour les compagnies aériennes et aéroports (plus de l'enregistrement mobile qu’en terminal).
II. Rationaliser le parcours des passagers avec la biométrie multifactorielle, thème présenté par l’expert Donal GREENE, Directeur Régional, EMEA, Innovatrics. De cette présentation, il faut retenir que l’Innovatrics est un partenaire indépendant et de confiance pour la technologie de gestion biométrique des identités ; III. Gestion robuste de l'identification des voyageurs pour rationaliser le contrôle aux frontières, sujet largement développé par l’Expert Ademola OLADELE, Officier de Sûreté et Facilitation Aérienne, Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI), auquel nous retenons que la Résolution A39- 20 Annexes donne Mandat à l'OACI pour les programmes de facilitation (2017-2019) où nous trouvons les directives suivantes :
Développement et mise en œuvre des dispositions de facilitation ;
Action nationale et internationale visant à assurer la sécurité et l'intégrité de l'identification du voyageur et des contrôles aux frontières ;
Action et coopération nationales et internationales en matière de facilitation ;
Echange de données des passagers. Trois piliers notamment (Annexe 9, Facilitation Stratégie du programme d'identification des voyageurs (TRIP) de l'OACI et le Répertoire de Clés Publiques - PKD de l'OACI) ;
IV. Comment les technologies d'identification transforment l'expérience frontalière en Afrique, thème présenté par l’Expert Joby MATHEW, Directeur des Ventes, Moyen-Orient, Afrique et Asie du Sud, Solutions d’Identification Gouvernementales, HID Global. De cette présentation nous retenons que le trafic aérien pourra doubler dans les 20 prochaines années, il importe de développer de nouvelles approches nécessaires pour gérer le passage aux frontières (Conception personnalisée… tout en créant des solutions sécurisées de contrôle des passeports et des frontières). Exemple de trois aéroports à équiper (Dar es Salaam, Zanzibar et Kilimandjaro).
Promouvoir le Système tout-en-un pour les permis e-Visa, e-passeport et e-résidents ainsi que les Demandes en ligne des passeports électroniques dans le pays.
Deuxième Approche : L’automatisation des frontières
L’un des défis majeurs à relever aujourd’hui reste l’automatisation des frontières, bien que cela paraît une perspective évidente et pertinente à envisager. De plus en plus complexes, les enjeux à la gestion des entrées et des sorties sur le territoire, se transforment à des exigences absolues auxquelles il convient alors d’y faire faces.
Pour tenter de répondre à cette préoccupation, quatre autres Experts, ont exposé sur ce qui suit :
V. Frontières augmentées: une approche globale pour mettre en œuvre des solutions de contrôles aux frontières sans passeport, centrées sur le voyageur et basées sur l’analyse de risque, exposé par l’Expert Emmanuel WANG, VP, Direction Contrôle aux Frontières, IDEMIA, selon lui la biométrie couplée à l’automatisation participe à la libre circulation. Il ressort trois points essentiels :
Renforcer la sécurité (utilisation systématique de la biométrie, renforcement de la capacité de détection des profils suspects, mise en place des systèmes intégrés améliorant le processus de prise de décision) ;
Favoriser l’économie (stimuler le tourisme par la simplification du processus de visa, moderniser les infrastructures et les processus au bénéfice du citoyen, attirer les investissements étrangers) ;
Faciliter les mouvements transfrontaliers (communautaire, national et les étrangers, automatiser le passage aux frontières, faciliter le contrôle futur et le flux en enregistrant en permanence les données des individus).
VI. L’expérience du Rwanda dans le renforcement de la facilitation et de la sécurité aux frontières, thème développé par l’expert Richard MUGISHA, Responsable des Services Electroniques à la Direction Générale de l’Immigration et l‘Émigration (DGIE) Rwanda. De cette présentation, nous découvrons avec satisfaction le succès de l'utilisation de e-Gates au Poids lourd durant la traversée à la frontière rwandaise et qui a permis le passage en toute sécurité d’environ 45.000 personnes par jour. Cette belle expérience illustre bien la nécessité d’automatisation des frontières.
VII. Comment la technologie peut aider les Gouvernements à faciliter la libre circulation des personnes, sujet exposé par l’Expert Céline GOUVEIA, Directrice Afrique, Programmes Gouvernementaux, IN Groupe. Points à retenir de cette présentation est que le contrôle des frontières est un nouveau défi. Dans un monde où la mondialisation a considérablement augmenté, le trafic international suscite de nombreuses inquiétudes concernant l'immigration clandestine, le taux de criminalité élevé et les menaces terroristes, en plus de l'efficacité du franchissement de la frontière. Le défi de tout système de contrôle des frontières est de résoudre ces problèmes croissants en renforçant la sécurité aux frontières, en facilitant le traitement des passagers tout en respectant les valeurs de la société et les droits des citoyens.
Que nous apportent les nouvelles technologies ?
Les données d'identification biométriques deviennent centrales dans les contrôles aux frontières (Promouvoir l'accélération des programmes nationaux intégrant la biométrie : passeport électronique, visas électroniques ; Pousser une meilleure acceptation de la biométrie par les citoyens ; La fusion biométrique abaisse le FRR / FAR et améliorer la fiabilité de l'authentification.
La forte intégration des infrastructures de contrôle des frontières et leur interopérabilité se généraliseront (Nécessité d'avoir une vision nationale des diplômes en temps réel ; La coopération internationale : entre pays, pays / agences,...sera cruciale pour la capacité des pays à détecter les profils de risque).
Le contrôle en amont de données passagères se développera pour une analyse de risque individualisée avant le passage de la frontière (confiance / intérêt accru pour les technologies d'analyse de données ; Se concentrer sur la collecte, l'analyse, le stockage et la diffusion des données ; Améliorer le niveau de sécurité des contrôles et du temps de traitement des passagers).
La gestion intelligente des frontières (smart border) permet d’assurer la sécurité nationale tout en améliorant les flux de passagers.
VIII. Les initiatives de la Zambie dans l’utilisation des TIC pour faciliter la circulation des personnes, thème développé par l’Expert Denny LUNGU, Directeur Général de l’Immigration, Département de l’Immigration, Zambie. En substance, suivant la mission de la Direction Générale qui consiste à faciliter et réglementer les mouvements des personnes entrant et sortant du pays et contrôler le séjour des immigrants et des visiteurs afin de contribuer à la sécurité intérieure et au développement socioéconomique durable, la Zambie est passée de l’exploitation manuel des données d’identité en 2005, à l’introduction du système de gestion de l'immigration (ZIMS) qui s'est poursuivie au travers d‘une série de mise à niveau, avec l'introduction du e-Visa en 2015 (module de paiement en ligne ajouté le 22 mars 2018).
Conclusion
De tout ce qui précède, la libre circulation des personnes à travers des frontières présente un intérêt au développement en dépit des risques qu’elle pourrait monter. Même si le trafic international suscite de nombreuses inquiétudes concernant l'immigration clandestine, le taux de criminalité élevé et les menaces terroristes, cependant la biométrisation et l’automatisation des frontières demeurent un facteur déterminant qui permettrait aider à minimiser les risques. C’est pourquoi, il convient alors de trouver un juste équilibre entre des frontières ouvertes et des frontières contrôlées. La facilitation n’est désormais une option mais plutôt une obligation. Ces deux sessions sont assorties des recommandations qui sont les suivantes :
Aider les Etats africains à renforcer leurs structures de gestion des frontières et des migrations ;
Encourager dans la mesure du possible les Etats africains à procéder à l’automatisation des frontières à l’exemple du Rwanda, Togo… ;
Renforcer la coopération internationale ;
Harmoniser les politiques et pratiques nationales au plan interne et dans un contexte régional pour les mettre en conformité avec des normes internationales communes ;
Encourager la gestion intégrée des frontières par la biométrisation.
Comments